Heureuse...

Heureuse
de Juliette

    S'extraire au petit jour de la torpeur du lit,
    Ouvrir grands les volets sur le vol des courlis,
    Faire du café très fort le boire à la fenêtre,
    Respirer expirer et se sentir renaître.
    Se dire qu'il faudrait bien rentrer chaises et table
    Mais attendre pour ça des temps moins délectables,
    Là descendre au jardin crissant sous la gelée,
    Redresser les dahlias alanguis de l'allée.
    Ne pas lire le courrier ne pas lire les journaux
    Les jeter tout en tas au loin sur le piano
    Puis verser dans le bain l'huile d'amande douce
    Faire glisser le peignoir et sombrer dans la mousse.
    Déjeuner sur la nappe de fil d'Écosse écru
    Dans de l'ancien Moustiers d'un peu de jambon cru.
    Passe-Crassane Louise-Bonne Duchesse d'Angoulême,
    Faire du choix d'une poire un délicieux dilemme.
    Cueillir au bord du champ tout ce qui est violet,
    Scabieuses asters chardons clématites à la haie
    Et mêlant à ces fleurs des herbes de toutes sortes,
    Composer un bouquet pareil aux natures mortes
    Puis prendre au vol un livre tomber sur Le Clézio
    Mais l'abandonner vite pour un roman idiot.
    Vers la tombée du jour interroger les cartes,
    Éplucher quatre pommes pour en faire une tarte.
    Écouter dans le soir le long aboi d'un chien,
    Regarder sur les prés la brume qui s'en vient.
    Un instant deviner des présences invisibles,
    Frissonner et fermer cette maison paisible.
    Raviver d'une bûche le feu de cheminée,
    Le nourrir à minuit des lettres de Renée.
    Étendre enfin ce corps qui plus nul n'intéresse,
    Lui accorder sans honte quelque intime caresse
    Et surtout oublier l'armoire à pharmacie
    Où dort de quoi mettre un terme à ce grand bonheur :
    Dragées d'Anafranil à prendre quand viendra l'heure...
    Éteindre s'endormir et faire comme si.

Comments

[lucie]

merci Sylau pour ta gentille visite. Cela nous fait très plaisir quand de nouveaux amis viennent nous voir.

Oui, ces orchidées sont belles, mais il faut avouer que l'on ne les avais pas vu sous cet angle. En y regardant mieux, tu as raison.

Le texte sur Juliette est très beau, mais empreint d'une solitude profonde. On ressent que la personne est déprimée et vit pour vivre, sans bonheur, jour après jour.

C'est triste.

A bientôt sur notre blog ou sur le tien.

Les cybermamys et Lucie

[Bruno]

Une grand dame que cette Juliette. J'ai eu la chnace de la voir sur scène et, à sa façon, ca déménage. Bon week-end.

[sylau85]

La musique qui accompagne les paroles de cette journée est très appropriée...J'adôôre !
Mais il y a cette fin, à partir des "lettres de Renée qui nourrissent le feu de cheminée"...et pour le coup, mettent en lumière la solitude de la nuit, de la vie...; alors que toute la journée on peut imaginer cette femme seule et heureuse dans sa liberté de sentir, voir, apprécier, ressentir, vivre...
Et au final, un rappel à la fragilité du Bonheur de cette journée paisible face au poids du chagrin... peut-être?

[laurence]

Je suis d'accord avec Katara
Bisous

[katara]

J'aurai vraiment pu dire j'adore s'il n'y avait cette fin... cette image des cachets dans l'armoire à pharmacie me dérange un peu. Bonne journée