Pour ce dernier jour de janvier...
Recueil : Les mois
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Songes-tu parfois, bien-aimée,
Assise près du foyer clair,
Lorsque sous la porte fermée
Gémit la bise de l'hiver,
Qu'après cette automne clémente,
Les oiseaux, cher peuple étourdi,
Trop tard, par un jour de tourmente,
Ont pris leur vol vers le Midi ;
Que leurs ailes, blanches de givre,
Sont lasses d'avoir voyagé ;
Que sur le long chemin à suivre
Il a neigé, neigé, neigé ;
Et que, perdus dans la rafale,
Ils sont là, transis et sans voix,
Eux dont la chanson triomphale
Charmait nos courses dans les bois ?
Hélas ! comme il faut qu'il en meure
De ces émigrés grelottants !
Y songes-tu ? Moi, je les pleure,
Nos chanteurs du dernier printemps.
Tu parles, ce soir où tu m'aimes,
Des oiseaux du prochain Avril ;
Mais ce ne seront plus les mêmes,
Et ton amour attendra-t-il ?
A propos de François Coppée
François Édouard Joachim Coppée est un poète, dramaturge et romancier français. Il est né le 26 janvier 1842 à Paris et s'est éteint le 23 mai 1908 à Paris.
F. Coppée fut le poète populaire et sentimental de Paris et de ses
faubourgs, des tableaux de rue intimistes du monde des humbles.
Poète
du souvenir d'une première rencontre amoureuse (« Septembre, au ciel
léger »), de la nostalgie d'une autre existence (« Je suis un pâle
enfant du vieux Paris ») ou de la beauté du crépuscule (« Le crépuscule
est triste et doux ») il rencontra un grand succès populaire avant de
tomber dans l'oubli.